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n’ayant que peu de vent ; vers dix heures du soir, l’officier de quart entendit une voix dans la mer : on y courut ; c’était l’Indien qui avait rompu ses fers ; accablé de lassitude, hors d’état de gagner le rivage, il criait au secours, aimant mieux tomber entre les mains des Espagnols que de se noyer ; on le retira de l’eau, on lui ôta la chaîne qu’il avait encore au pied ; enfin, pour le consoler, on le conduisit à son compagnon ; ils passèrent la nuit ensemble.

Le lendemain, Quiros ordonna qu’on leur taillât la barbe et les cheveux ; on leur mit à chacun un habit de taffetas couleur de rose ; on leur donna plusieurs pièces de la même étoffe ; le capitaine les embrassa cordialement et les renvoya à terre dans sa chaloupe. Le chef, pénétré de reconnaissance, fit mettre dans la chaloupe des cochons, des régimes de bananes, des racines comestibles, et toutes sortes de fruits.

Ces insulaires ne virent pas partir les Espagnols sans regrets. La chaloupe continuant à longer la côte pour en faire la reconnaissance, passa à la vue de plusieurs villages qui parurent très-peuplés. Les habitans de cette partie de l’île, qui étaient d’une couleur plus foncée que les premiers, annoncèrent d’abord comme ceux-ci des dispositions pacifiques ; mais ils donnèrent bientôt une preuve de leur perfidie. Après avoir fait retirer leurs femmes dans un bois voisin, ils décochèrent sur la chaloupe une grêle de flèches dont un Espagnol fut