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si voraces, qu’ils enlèvent le poisson au moment où il est pris. Les homards, plus communs peut-être à Juan Fernandès qu’en aucun autre lieu du monde, y sont d’un excellent goût, et pèsent ordinairement huit à neuf livres. Ils y sont en si grand nombre, que, lorsqu’une chaloupe part de terre, ou lorsqu’elle y aborde, on les perce souvent avec la gaffe.

Anson conclut qu’un vaisseau, dans le triste état où il représente le sien, n’a pas de meilleure retraite à désirer que cette île. Aussi les malades y trouvèrent-ils beaucoup de soulagement. L’arrivée du Tryal leur avait fait espérer d’y être bientôt rejoints par le reste de l’escadre. Cette attente leur faisait tenir sans cesse les yeux tournés vers la mer ; mais, n’ayant rien vu paraître dans l’espace de quinze jours, ils commencèrent à désespérer de revoir jamais aucun de leurs autres vaisseaux égarés, parce qu’ils ne pouvaient se dissimuler que, si leur propre bâtiment avait été obligé de tenir si long-temps la mer, il n’y serait pas resté un homme en vie, et que le corps du navire, rempli de cadavres, serait devenu le jouet des vents et des flots.

Cependant, le 15 juin, ils découvrirent le Glocester, qui, par ses voiles basses, les seules qu’il paraissait capable d’employer, leur fit juger qu’il n’avait pas été moins maltraité qu’eux. On se hâta d’envoyer à son secours une chaloupe chargée d’eau, de poisson et d’autres rafraîchissemens. Jamais équipage ne s’était