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qui furent abandonnés dans l’île, et qui, dans un séjour de quelques années, eurent le temps de connaître ses productions. Le séjour du dernier dans l’île de Juan Fernandès avait précédé l’arrivée de l’escadre anglaise d’environ trente-deux ans. Cependant la première chèvre qui fut tuée par les Anglais avait les oreilles déchirées ; d’où ils conclurent qu’elle avait passé par les mains de Selkirk. Cet animal avait l’air majestueux, la barbe vénérable, et divers autres symptômes de vieillesse. Ensuite ils trouvèrent plusieurs des mêmes animaux, tous marqués à l’oreille ; et les mâles étaient reconnaissables par la prodigieuse longueur de leur barbe, et par d’autres marques d’une très-longue vie.

Mais cette multitude de chèvres est fort diminuée depuis que les Espagnols, instruits de l’usage que les boucaniers et les flibustiers faisaient de la chair de ces animaux, ont entrepris d’en détruire la race, pour ôter cette ressource à leurs ennemis. Ils ont lâché un grand nombre de chiens qui s’y sont multipliés, et qui ont enfin détruit tout ce qu’il y avait de chèvres dans les parties accessibles ; de sorte qu’il n’en reste à présent qu’un petit nombre parmi les rochers et les précipices, où il n’est pas possible aux chiens de les suivre. Elles sont partagées en différens troupeaux, chacun de vingt ou trente, qui habitent des lieux séparés, et qui ne se mêlent jamais ensemble. Les Anglais trouvèrent beaucoup de difficulté à les tuer.