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posa deux corps de garde, l’un sur le rivage, l’autre sur une place dans le milieu du fort. Le reste de la troupe mit bas les armes et se répandit dans les bois pour y cueillir des fruits. Les Indiens portèrent dans leurs pirogues à la flotte le bois et l’eau dont elle avait besoin. C’était le second dimanche après Pâques ; on dressa un autel dans une maison du fort ; la messe y fut célébrée, et la plupart des gens de l’équipage communièrent.

Au bout de huit jours, la flotte s’étant munie de tout ce dont elle avait besoin, fit ses dispositions pour remettre à la voile : alors la paix fut troublée. Les Espagnols, pensant qu’il leur serait utile pour la suite de leur voyage d’avoir à leur bord quelques Indiens qui pussent leur servir de guides et d’interprètes, en arrêtèrent quatre. Le chef, qui fut informé de cet attentat commis par des hommes qu’il avait bien accueillis, accourut avec son fils à bord pour réclamer ces quatre Indiens. N’ayant pu rien obtenir, il s’en retournait fort triste, lorsqu’il aperçut le canot qui amenait ces quatre malheureux. À la vue de leur chef, ils fondirent en larmes, et poussèrent des cris lamentables. Le chef, déterminé à risquer sa vie pour leur liberté, donna aussitôt à ses pirogues le signal de l’attaque ; mais le bruit d’un coup de canon tiré à poudre les effraya tellement, que le chef, témoignant par un geste aux captifs qu’il n’était pas en son pouvoir de les délivrer, s’éloigna d’eux la larme à l’œil.