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On lui apporta des vins de l’Europe, surtout des îles Canaries, dont les gouverneurs des îles maritimes avaient soin de fournir constamment sa table. Il s’enivra. Les vapeurs de l’ivresse l’ayant plongé dans un profond sommeil, le mandarin passa dans l’antichambre des eunuques, et leur dit que l’empereur était ivre ; qu’il était à craindre qu’il ne contractât l’habitude de boire avec excès ; que le vin aigrirait encore son humeur naturellement violente, et que dans cet état il n’épargnerait point ses plus chers favoris. « Pour nous mettre à couvert d’un si grand mal, ajouta le mandarin, il faut que vous me chargiez de chaînes, et que vous me fassiez mettre dans un cachot, comme si l’ordre venait de lui. Laissez-moi le soin du reste. » Les eunuques approuvèrent cette idée pour leur propre intérêt. L’empereur, surpris de se trouver seul à son réveil, demanda pourquoi le mandarin l’avait quitté. Ils répondirent qu’ayant eu le malheur de déplaire à sa majesté, on l’avait conduit par son ordre dans une étroite prison, où il devait recevoir la mort. Le monarque parut long-temps rêveur, et donna ordre enfin que le mandarin fût amené. On le fit paraître chargé de ses chaînes. Il se prosterna aux pieds de l’empereur comme un criminel qui attend l’arrêt de son supplice. « Qui t’a mis en cet état ? lui dit ce prince ; quel crime as-tu donc commis ? Mon crime, je l’ignore, répondit le mandarin. Je sais seulement que votre ma-