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trois ou quatre Français, qui n’osions abandonner les débris de nos maisons, et qui ne sentions pas moins le péril qu’il y avait à les habiter. Tout le monde craignait une nouvelle irruption de la mer, telle qu’on se souvenait de l’avoir éprouvée il y avait vingt-huit ans. Les Espagnols et les Américains n’ayant point la hardiesse d’aller reconnaître l’état du rivage, nous prîmes cet emploi vers le jour : mais la lumière ne reparut que pour augmenter l’alarme commune. À neuf heures du matin, le tremblement ayant recommencé avec plus de violence, on publia aussitôt que la mer venait de se retirer. Cette nouvelle était fausse ; mais la crainte et l’exemple du passé y firent trouver tant de vraisemblance, qu’on ne pensa plus qu’à la fuite. Les cris augmentaient la terreur. Je me préparai à fuir aussi, et j’étais déjà monté à cheval, quand, par un trouble d’esprit plutôt que par un reste de courage, je résolus de retourner au bord de la mer avec deux autres Français. J’ai souvent éprouvé qu’une frayeur excessive produit les mêmes effets que la témérité. Mais nous vîmes la mer tranquille, et le rivage dans la situation ordinaire. Le désir de guérir les habitans de leur crainte nous fit pousser nos chevaux avec beaucoup de vitesse, en faisant de loin divers signes de chapeau. Ceux qui attendaient notre retour pour se déterminer nous comprirent si mal, qu’ayant pris nos signes mêmes pour une exhortation à fuir, ils abandonnèrent la ville avec des cris lamenta-