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l’autre, forment une espèce de rets couverts de planches et de sable. Tel est le pont qui forme la communication d’une montagne à l’autre. Je ne pouvais me résoudre à passer sur cette machine tremblante. Les mules passèrent d’abord avec leur charge ; mais la résistance qu’elles firent long-temps aux muletiers marquait assez leur frayeur. Pour moi, je passai comme elles, c’est-à-dire, en me faisant de mes mains deux pieds de plus, et sans oser jeter les yeux de l’un ni de l’autre côté.

» J’entrai de là dans la province de Pachanamac, et je passai au pied d’une autre montagne dont l’aspect me causa de nouveaux frémissemens. Le chemin, qui est sur le bord de la mer, a si peu de largeur, qu’à peine deux mules y peuvent passer de front. Le sommet de la montagne s’avançant au-dessus, semble près de s’écrouler, et l’on remarque à ses ouvertures qu’il s’en détache quelquefois de grosses parties qui tombent dans la mer, et qui rendent le danger continuel. Les Espagnols appellent ce passage el mal passo d’Ascia, du nom d’une mauvaise hôtellerie qui n’en est éloignée que d’une lieue. Je ferais pitié si je racontais tout ce que j’eus à souffrir dans ce voyage. La chaleur m’accablait pendant le jour, et j’étais dévoré pendant la nuit par diverses sortes d’insectes. Je traversai des montagnes de sable si brûlant, que je ne pouvais mettre pied à terre sans ressentir une ardeur insupportable. Dans l’espace de quarante lieues, je ne vis pas