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tirerait pas un parti avantageux de ses marchandises. En conséquence il monta sur un navire de Bayonne qui allait à la Chine. Il relâcha dans plusieurs ports de la côte jusqu’à Pisco, et gagna par terre Lima, capitale du pays. Il traversa dans cette route les montagnes qui forment l’entrée de la province de Pachanamac, et en fait une description effrayante.

Toute la campagne était inondée : « Mes guides, raconte La Barbinais, me déclarèrent qu’on ne pouvait continuer la route ordinaire sans s’exposer aux plus grands dangers, et qu’il fallait faire une journée de plus pour passer sur un pont qui était au sommet de la montagne, sans quoi je serais forcé d’attendre plus de huit jours que les eaux fussent écoulées. Je suivis leur conseil, mais je ne fus pas long-temps à m’en repentir. Nous fîmes sept lieues en montant par des sentiers incommodes et fort étroits. Je voyais les nuages au-dessous de moi, et cette élévation ne m’empêchait pas de sentir une chaleur extraordinaire. Nous arrivâmes au pont vers les quatre heures après midi. Mais, ciel ! quel pont ! sa vue me fit frémir, et le souvenir me glace encore le sang. Qu’on s’imagine deux pointes de montagnes séparées par un précipice, ou plutôt par un gouffre profond, dans lequel deux torrens s’élancent avec un fracas épouvantable. Sur ces deux pointes on a planté de gros pieux, auxquels sont attachées des cordes de simple écorce d’arbres, qui, passant et repassant plusieurs fois d’une pointe à