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un si long intervalle que les naufrages étaient fréquens entre ces îles, et qu’ils n’étaient pas seuls malheureux. Cependant ils avaient commencé à s’apercevoir que les oiseaux épouvantés ne venaient plus en si grand nombre. Il leur était mort deux hommes ; tous les autres n’avaient plus que l’apparence d’autant de fantômes. Le désespoir leur fit prendre la résolution de finir un sort si misérable, ou par la mort, ou par quelque heureuse révolution, qu’ils ne pouvaient attendre que de leur hardiesse à tout braver. Des planches que la mer avait jetées sur le rivage ils entreprirent de faire une barque, ou plutôt un coffre, qu’ils calfatèrent avec un mélange de plumes d’oiseaux, de sable et de graisse de tortue ; ils se servirent des nerfs de tortue pour en faire des cordes, et quantité de peaux d’oiseaux cousues ensemble leur composèrent des voiles. Avec une si faible ressource, sans avoir même une provision suffisante d’oiseaux, de tortues et d’eau, ils partirent en invoquant le secours du ciel. Huit jours d’une navigation incertaine, pour laquelle ils n’eurent pas d’autre règle que le hasard des vents et des flots, les conduisirent à l’île d’Haïnan. Les habitans prirent la fuite à la vue de seize hommes dont la figure et l’habillement leur causèrent une égale frayeur ; mais, après avoir appris d’eux leurs infortunes, le mandarin de l’île leur fit donner tous les secours dont ils avaient besoin, et leur fournit ensuite le moyen de retourner dans leurs fa-