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porter dans une barque, y trouva un frère du même ordre qui avait été missionnaire. Dans les entretiens qu’il eut avec lui, il fut charmé de recevoir de sa bouche la confirmation d’un événement fort étrange, qu’il avait eu moins de facilité à croire sur d’autres témoignages. Il n’y avait pas plus de trois ans qu’une patache de la côte de Coromandel étant partie pour Cavite, port de Manille, avec soixante hommes à bord, gentils, Maures et Portugais, entre lesquels était le frère jésuite, le pilote , qui ne connaissait pas deux bancs situés vis-à-vis des îles Calamianes, avait échoué sur l’une d’elles, et le bâtiment s’était brisé. Une partie des passagers trouva la mort dans les flots. Les autres, ayant eu le bonheur de se soutenir sur le sable, se servirent d’un caisson de planches qui était tombé entre leurs mains pour passer successivement dans l’île la plus voisine, dont ils n’étaient éloignés que de deux milles ; mais n’y trouvant pas d’eau, l’heureux succès de leur premier essai leur fit entreprendre de passer dans une autre île, qui n’était pas à moins de trois lieues ; ils y arrivèrent tour à tour ; elle était fort basse, très-petite, sans bois et sans eau comme la première. Pendant quatre jours ils se virent forcés par l’excès de leur soif à boire du sang de tortue. Enfin la nécessité leur ouvrant l’esprit, ils se servirent des planches de leur caisson pour faire des fosses jusqu’au niveau de l’eau ; celle qu’ils trouvèrent était un peu salée ; mais il suffisait qu’elle ne fût pas