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d’autres furent blessés et prirent la fuite. Un de ceux qui périt fit des prodiges de valeur. Nu et armé seulement d’un bâton, il se défendit long-temps contre vingt Espagnols qui l’attaquaient à coups de sabre. Il maniait son bâton avec tant d’adresse et de force, qu’aucun soldat n’osait l’approcher ; il blessa plusieurs Espagnols malgré leurs boucliers. Enfin, épuisé de fatigue, accablé par le nombre, percé de coups, il ne cessa de se défendre qu’en tombant raide mort, laissant les Espagnols dans l’admiration de son courage et dans le regret d’avoir ôté la vie à un homme qui combattait si vaillamment. Réunis en corps, ils s’avancèrent vers la première retraite des Indiens pour tirer d’eux des provisions ; tous avaient pris la fuite. On n’aperçut qu’un vieillard qui s’éloignait avec sa femme. On se mit à leur poursuite. L’homme, voyant qu’il lui était impossible d’échapper, fit cacher sa femme dans un bois voisin. On l’atteignit, et on l’emmena dans l’espérance de tirer de lui quelques éclaircissemens sur le pays. Alors la femme arriva, et fit entendre qu’elle aimait mieux mourir avec son mari que de se sauver seule. Ce trait de générosité toucha les Espagnols ; ils remirent les deux époux en liberté, et retournèrent à leurs embarcations.

La mer brisait sur le rivage avec tant de violence, que les Espagnols ne purent se rembarquer qu’avec beaucoup de peine. Le canot de l’amirante chavira ; ceux qui étaient dedans