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quelques arpens de terre. Il ne manquait pas non plus d’excellens choux, qu’il coupait sur les palmiers qui les portent, et qu’il assaisonnait avec celui du piment, dont l’odeur est délicieuse. Il y trouva aussi une sorte de poivre noir qui se nomme malachita, fort bon pour chasser les vents et pour guérir la colique. Ses souliers et ses habits furent bientôt usés par ses courses au travers des bois et des broussailles, mais ses pieds s’endurcirent à cette fatigue. Après avoir rejoint les Anglais, il fut quelque temps sans pouvoir s’assujettir à porter des souliers.

» Lorsqu’il eut surmonté sa mélancolie, il prenait quelquefois plaisir à graver sur les arbres son nom et la date de son exil. Il dressait des chats sauvages et des chevreaux à danser avec lui. Les chats et les rats lui firent une cruelle guerre. Ils s’étaient apparemment multipliés par quelques animaux de la même espèce sortis des navires qui avaient relâché dans l’île. Les rats venaient ronger ses habits et même ses pieds pendant son sommeil. Il trouva le moyen, pour s’en garantir, d’apprivoiser les chats en les nourrissant de la chair de ses chèvres ; ce qui les rendit si familiers, qu’ils venaient coucher en grand nombre autour de sa hutte. Ainsi, par le secours de la Providence et par la force de son âge, qui n’était que d’environ trente ans, il triompha des horreurs de sa solitude jusqu’à n’y trouver que de la douceur et du contentement. Après avoir usé ses