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grillées, comme la chair de ses chèvres, à laquelle il ne trouvait pas le goût si fort qu’à celle des nôtres, et dont il faisait d’excellent bouillon. Il en tua jusqu’à cinq cents. Ensuite se voyant sans poudre, il les prenait à la course, et, s’en faisant même un amusement, il en avait lâché environ le même nombre, après les avoir marquées à l’oreille. Un exercice continuel l’avait rendu si agile, qu’il courait au travers des bois, sur les rochers et les collines avec une vitesse incroyable. Nous l’éprouvâmes (continue Rogers) en allant à la chasse avec lui. Nous avions à bord un chien dressé au combat des taureaux, et de bons coureurs. Il les devançait tous ; il lassait nos hommes et le chien ; il prenait les chèvres et nous les apportait sur le dos. Un jour, nous dit-il, il s’en était peu fallu qu’une chèvre ne lui eût coûté la vie. Il la poursuivait avec tant d’ardeur, que l’ayant prise sur le bord d’un précipice caché par des buissons, il tomba de haut en bas avec elle. Cette chute lui fit perdre la connaissance. Enfin, revenant à lui-même, il trouva la chèvre morte sous lui. Il s’était si brisé, qu’il passa vingt-quatre heures dans la même place ; et s’étant traîné avec beaucoup de peine jusqu’à sa cabane, qui était éloignée d’un mille, il n’en put sortir qu’après dix jours de repos.

» Un long usage lui fit prendre du goût à ses alimens, quoique sans sel et sans pain. Dans la saison, il trouvait quantité de bons navets que d’autres avaient semés, et qui couvraient