Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 22.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

miers mouvemens du désespoir, en lui faisant espérer le même traitement.

» Il avait été mis à terre avec ses habits, son lit, un fusil, quelques livres de poudre, des balles, du tabac, une hache, un couteau, un chaudron, une Bible, quelques livres de piété, ses instrumens et ses livres de marine. Pendant les premiers huit mois, il eut beaucoup de peine à vaincre sa mélancolie. Il se fit deux cabanes de branches d’arbres, à quelque distance l’une de l’autre ; il les couvrit de roseaux, et les revêtit de peaux de chèvres, qu’il tuait à mesure qu’il en avait besoin. Lorsque sa poudre approcha de sa fin, il trouva le secret de faire du feu avec deux pièces de bois de piment qu’il frottait sur le genou l’une contre l’autre. La plus petite de ses huttes lui servait de cuisine. Dans la grande, il dormait, il chantait des psaumes et priait Dieu. Jamais il n’avait été si bon chrétien. Accablé d’abord de tristesse, ou faute de pain et de sel, il ne mangeait qu’à la dernière extrémité. Il n’allait se coucher que lorsqu’il ne pouvait plus soutenir la veille. Le bois de piment lui servait à cuire sa viande et à l’éclairer, et l’odeur aromatique récréait ses esprits abattus.

» Il ne manquait pas de poisson ; mais il n’osait en manger sans sel, parce qu’il lui causait un fâcheux dévoiement, à la réserve des écrevisses de rivière, qui sont d’un goût exquis dans l’île, et presque aussi grosses que celles de mer. Tantôt il les mangeait bouillies, et tantôt