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consternés, et encore plus les trois sauvages, qui se mirent à hurler sans qu’on pût les faire taire qu’ils n’eussent le pied sur le rivage. Beauchêne passa la nuit autour d’un grand feu, faisant bonne garde ; car il ne se fiait guère à ces gens-là. Trois autres de ces mêmes sauvages allèrent sur le second vaisseau.

En avançant dans le détroit, Beauchêne vit près de la baie Élisabeth une île qui n’était pas encore marquée sur les cartes. Il en prit possession au nom du roi de France, et la nomma île Louis-le-Grand. On peut croire que jamais la France n’a songé à se prévaloir de cette prise de possession. Les puissances de l’Europe auraient trop à faire, si chacune voulait revendiquer la portion des côtes du détroit de Magellan, dont elle a été gratifiée par des navigateurs zélés. Comme l’objet n’en vaut pas la peine, aucune n’a eu l’idée de faire valoir ses prétendus droits ; et, grâces à l’intempérie du climat et à la stérilité du pays, les habitans ont continué à être les maîtres chez eux. C’est le cas d’appliquer le proverbe : À quelque chose malheur est bon.

Après bien des contrariétés, Beauchêne entra dans le grand Océan le 21 janvier 1700. Il fit un assez bon commerce avec les habitans du Chili et du Pérou, quoique le vice-roi eût défendu d’avoir aucun rapport avec les Français. Il alla se pourvoir de tortues aux îles Gallapagos, et fut bien surpris d’y rencontrer de très-grosses baleines ; il ne s’attendait pas à en