le soulagement des peuples ? Cette association, composée de gens sans parti, qui n’auraient que du courage, des lumières, de la vertu, du désintéressement, pourrait opérer avec le temps une révolution dans les opinions et les mœurs. Elle prendrait la place des sociétés qui jusqu’à présent n’ont été dirigées que par un fanatisme particulier de religion souvent mal entendue, et qui, sous prétexte de former de nouveaux établissemens, ne rassemblent que de nouvelles bandes de combattans. Car si l’état de nature est la guerre d’un seul contre un seul, l’état actuel de société est la guerre de tous contre tous. Qu’est-ce, en effet, qu’un sauvage que des missionnaires hérétiques attirent dans une peuplade catéchisée ? C’est un homme à qui l’on donne tantôt une boisson qui redouble sa soif au lieu de l’apaiser, tantôt un remède qui n’adoucit la mort qu’en aigrissant la vie. Sans parler ici des nations du Paraguay, qui sans doute sont des catholiques à la manière de leurs apôtres, mais qu’on ne connaît pas assez pour avoir le droit de préconiser ou de diffamer la société qui les a civilisées et dirigées, voyons par quelle suite et quelle combinaison de moyens les frères Moraves sont venus à bout de former au Groënland deux peuplades assez considérables d’hommes à demi policés sous le nom de chrétiens.
Crantz dit d’abord qu’on fut plusieurs années avant de faire part aux Groënlandais, même baptisés, du mystère de l’eucharistie. Les frè-