Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pondaient aux Groënlandais qui leur demandaient où était le maître : il n’y a point entre nous de maître ni de serviteur, et nous sommes tous frères. On les distinguait en effet des autres Européens par cet esprit d’égalité, d’union et de douceur qui caractérisa les premiers chrétiens et les nouvelles institutions religieuses.

Cette conduite leur attira par degrés la considération et la confiance des Groënlandais, qui se familiarisèrent avec ces étrangers au point d’aller sans cérémonie passer la nuit chez eux, quand elle les surprenait en chemin, ou qu’ils étaient accueillis de la tempête. Ils étaient même si fort accoutumés à prendre l’hospitalité chez les frères, ou à en recevoir des présens ou des vivres, qu’ils leur disaient franchement : « Nous ne viendrons pas vous écouter, si vous ne nous donnez rien » ; tant ils s’imaginaient qu’un prédicateur devait payer ses auditeurs.

En effet, les bons frères moraves ne pouvaient guère renvoyer ces pauvres sauvages, presque toujours attirés par la faim à l’instruction, sans leur donner à manger, surtout en hiver, où le froid excessif ne leur laissait aucune ressource pour vivre. Mais quand l’été ramenait les provisions en abondance, ce n’étaient plus les mêmes importunités, et les Groënlandais ne venaient guère à la mission que lorsqu’ils avaient passé toute la nuit à danser, comme si l’heure de l’instruction leur eût paru la plus propre au sommeil. À cela près qu’ils