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un ouragan qui, après l’avoir fait pirouetter dans les airs à quelques centaines de pas, le brisa contre un rocher. Égède eut la bonté de leur fournir un vieux bateau d’Europe et des matériaux pour le radouber.

Deux des missionnaires, Matthieu Stach et Christian Stach, frères à double titre par les nœuds de la nature et de la religion, allèrent voyager, le premier au sud, le second au nord, tous deux en compagnie de marchands, auxquels ils ne furent point inutiles dans les dangers et le mauvais temps qu’ils eurent tous à souffrir. On ne trouva de part et d’autre que des maisons vides dont les habitans étaient morts, et quelques chiens qui depuis deux ans avaient vécu malgré les plus grands froids, soit de coquillages, soit de vieilles peaux qui couvraient les tentes. Les Groënlandais ne faisaient pas d’abord grand cas des frères moraves, parce que, leur voyant mettre la main à l’œuvre dans toutes les occasions, ils les prenaient pour les domestiques des facteurs. Ce n’est pas qu’ils méprisent chez eux les gens qu’ils appellent serviteurs, car tout le monde l’est, excepté le père ou le chef de famille ; mais parmi les étrangers ils apercevaient des distinctions si marquées entre les hommes, qu’ils s’informaient uniquement quel était le maître, et ne s’adressaient qu’à lui, jetant à peine un coup d’œil sur les autres : aussi les herrnhuters, qui craignaient de voir rejaillir sur leur ministère le mépris qu’on aurait pour leur personne, ré-