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souper du Seigneur vont trouver le missionnaire et sa femme, qui prépare d’avance le goût de cette manne céleste, en irritant la soif des désirs qu’ils inspirent. On sait que les luthériens allemands n’ont jamais voulu renoncer à la réalité du pain et du vin dans le mystère de l’eucharistie. Leurs sens grossiers veulent bien admettre un miracle qu’ils n’aperçoivent pas, mais ne consentent point à perdre ce qu’ils voient. Ils aiment mieux boire à la fois le sang du Christ avec le vin de la consécration que de ne pouvoir jouir que d’un bien surnaturel. Combien de sang humain a-t-on versé pour leur ôter l’impanation ! combien en ont-ils perdu pour la garder ! C’est dans cette erreur que les herrnhuters élèvent les Groënlandais. Le pain est un double appât entre leurs mains pour amorcer les sauvages. Ils prennent ces pêcheurs du nord comme nos pêcheurs attrapent le poisson. Mais le pain eucharistique du luthéranisme est un poison pour les âmes. Malheur aux Groënlandais qui en goûtent ! ils sont enivrés d’un délire mortel. C’est bien alors qu’ils auraient besoin d’être réveillés de leur assoupissement, s’il est permis d’emprunter le langage des frères Moraves. Mais ceux-ci n’oublient rien pour les entretenir jusqu’au tombeau.

Le meilleur moyen qu’ils aient imaginé de bercer et d’endormir les âmes dans le songe de leurs erreurs, est l’établissement des chœurs. Leur motif est pourtant louable en apparence : « C’est, disent-ils, la déplorable expérience de la