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toutes les idées de religion, d’histoire et de mœurs asiatiques. Quelle serait l’indignation de Moïse, s’il revenait sur la terre avec Énoch, de voir ses livres sacrés mutilés, défigurés et travestis dans toutes les versions hétérodoxes qui en ont paru depuis trente siècles ! Si tel est le sort des choses divines, quel doit être celui des choses humaines !

Malgré les peines de toute espèce que les frères Moraves ont dû dévorer dans le Groënland, il est assez singulier qu’il n’en soit pas mort un seul dans l’espace de près de trente ans. Ils n’ont pas même essuyé de maladie aiguë, quoiqu’ils aient eu perpétuellement à lutter contre la faim, la soif, les frimas, les tempêtes, la fatigue des voyages aussi périlleux sur terre que sur mer. L’étonnement redouble en apprenant que dans les autres missions, et surtout dans les Antilles, les herrnhuters ont perdu presque tous leurs confrères. Crantz ne veut pas qu’on attribue uniquement cette différence à celle d’un climat plus pur et plus sain au nord que sous la zone torride, puisque le scorbut, dit-il, et même les maladies contagieuses, font beaucoup de ravage au Groënland ; mais il rend grâces de cette protection visible à la Providence, qui soutient les frères Moraves par des voies merveilleuses, comme si les miracles se multipliaient à proportion de l’ignorance et de la faiblesse des hommes.

Cependant les missionnaires ont soin de seconder les desseins de leur vocation par des