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Treize maisons contiennent soixante-quatre familles, qui se réunissent sous un même toit, au moins deux, et sept au plus. Ce n’est pas tant par détresse ou par économie qu’on vit ainsi plusieurs ensemble que pour se réchauffer mutuellement par la cohabitation. Chaque famille est composée de huit à dix personnes. Les unes en ont moins, mais telle en aura seize. Elles ont chacune leur lampe ou foyer en hiver, comme leur tente en été. Chaque famille devrait aussi avoir son umiak ; mais il n’y en a que trente-deux qui possèdent un grand bateau. Du reste, chaque homme a son kaiak pour vivre de la petite pêche.

Les chrétiens suivent à cet égard le même arrangement que les sauvages, si ce n’est qu’ils n’ont pas la liberté d’errer et de se débander pour la subsistance. On croirait d’abord que cette gêne nuit à l’abondance des provisions et à la propagation de l’Évangile : mais l’expérience a prouvé, dit Crantz, que, si d’une part la dispersion donne plus d’avantage pour la pêche et la chasse, de l’autre, la règle et l’économie dans la distribution et le soin des vivres l’emportent sur la facilité de s’en procurer. Les sauvages, qui pêchent partout, manquent souvent de subsistance, tandis que les chrétiens, bornés à certaines côtes de pêcherie, ont un superflu qui supplée à la disette des autres. Quant à l’Évangile, c’est un flambeau qui a besoin de nourriture ; il s’éteint loin du foyer de la mission ; et si les néophytes vivaient sé-