ballottés entre la mer et la terre qui les repoussent tour à tour, et semblent se faire un jouet de l’espèce humaine. L’ouvrage de Crantz, ennuyeux à parcourir au premier coup d’œil, attache à mesure qu’on y avance. Semblable à ces déserts sablonneux où, quand on a marché quelque temps, on est forcé d’achever sa route, de peur de perdre ses fatigues sans les abréger en revenant sur ses pas, cette histoire du Groënland, aride, effrayante comme le pays même dont elle est le tableau, rebute ou fait languir l’attention et la curiosité du lecteur ; mais quand on a franchi tant de glaces, il est triste d’avoir fait un si long voyage sans avoir rien vu, et, de ne pas rapporter au moins des cailloux d’un rivage sans culture. Il faut donc recevoir le précis qu’on va lire comme une collection de tout ce qu’il y a de curieux dans un pays où la nature est morte. Les hommes qui cherchent à la ranimer deviennent intéressans. Deux peuplades élevées au Groënland par six hommes obscurs soulagent un moment l’âme accablée de la dévastation de deux empires ruinés en Amérique par deux nations chrétiennes. L’humanité, la vertu, ne sont pas encore éteintes au fond de tous les cœurs.
Au sud-ouest de la presqu’île de Bals-Fiord est située la maison de Neu-Herrnhut, à trois milles de la mer, entre le havre de la baie et de la colonie de Godhaab. La côte y présente trois grandes plates-formes séparées par des rochers qui s’avancent dans la mer ; le rivage