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avec cette différence qu’ils ne connaissent pas les devoirs de morale et de religion, que ceux-ci croient naturels et révélés à l’homme. On voit les herrnhuters aux prises avec un Groënlandais, qui veut faire sa concubine d’une de leurs épouses du Seigneur ; l’un la poursuivre, les autres la cacher ; celui-là réclamer le droit de son pays, qui donne une femme à qui peut la ravir ; ceux-ci couvrir la pudeur du manteau de la religion. « Il semble que Satan, disent les frères Moraves, ait envoyé dans ces cantons l’écume de ses sujets, tant ils font gloire d’employer leurs jours et leurs nuits à son service, dans les festins, les danses, les jongleries, la débauche et le sortilége. C’est un torrent qui entraîne même les plus sensés des infidèles. » Cependant l’auteur de ces complaintes se félicite de ce que le petit troupeau de chrétiens n’est point infecté de la contagion. Les enfans mêmes, dès qu’ils entendent le bruit d’un bal de sauvages, fuient et sèment l’alarme, comme les coureurs d’une armée à l’approche de l’ennemi.

On sera moins étonné du peu de facilité que les herrnhuters ont à multiplier le nombre des chrétiens, quand on fera réflexion que l’ignorance même des sauvages est un obstacle à leur conversion. L’équivoque des langues suffit pour arrêter les fruits de la prédication. Au commencement, quand les Danois parlaient de l’existence de Dieu, leur mot gud (goud) embarrassait les Groënlandais, qui, confondant