Europe, mais sans aucune suite de feu ni le moindre bruit de tonnerre. On crut sentir en même temps un tremblement de terre.
L’année 1760 ne fut pas fertile en événemens, non plus qu’en provisions. L’hiver enchaîna le Groënland dans une profonde inertie. Le froid excessif y fit sentir la disette de très-bonne heure. Les glaces y régnèrent en si grande quantité jusqu’à la fin de mai, que, même à Pâques, on ne put apercevoir, de la cime des plus hautes montagnes, le moindre espace ouvert à la navigation sur une étendue de mer très-considérable. Cependant la rigueur de la nature n’alla pas jusqu’à la famine ; et si la charité se trouva dépourvue de ressources, les besoins de l’indigence ne furent pas extrêmes.
Mais la mission se ressentit de cet engourdissement général, et la ferveur des chrétiens en parut refroidie. On vit, selon le proverbe allemand, le plus près de l’église, et le dernier dedans ; c’est-à-dire que les sauvages qui venaient de loin montraient plus d’ardeur pour la parole divine que ceux qui vivaient dans le voisinage des chrétiens, et surtout des Européens. « On peut comparer, dit Crantz, les sauvages de la nature à une terre inculte qui ne produit rien, mais qui n’attend que de la semence pour être fécondée ; et les Groënlandais qui ont été gâtés par le commerce des Européens, à une terre qui, donnant d’elle-même des ronces et des chardons, n’en est que plus