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nous nous mîmes en route. La brume de la mer était encore bien froide ; mais, à la faveur du vent, nous passâmes à Kanghek. En parcourant cette île, nous vîmes une maison qu’on avait abandonnée faute d’huile à brûler pour le chauffage. Près de là nous trouvâmes quinze personnes à demi mortes de faim, étendues dans une espèce de magasin creusé en terre, et si bas, que nous fumes obligés d’y entrer en rampant sur le ventre, sans pouvoir y rester debout. Ces malheureux étaient couchés les uns sur les autres pour s’échauffer mutuellement, sans feu, sans rien. De faiblesse ils ne purent ni se remuer ni parler. Un de nos gens alla leur chercher deux poissons à la mer. Une petite fille, image de la mort dévorante, en prit un, le déchira tout cru avec les dents, et l’avala sans le mâcher : quatre enfans de cette famille étaient déjà morts. Nous distribuâmes à ces misérables affamés une partie de nos provisions, en les exhortant à venir à la mission ; ce dont ils n avaient pas grande envie, par l’éloignement pour l’Évangile et les chrétiens.

» Le 26, nous retournâmes à Neu-Herrnhut. Mais le vent et la mer contraires nous obligèrent de relâcher dans un endroit où nous trouvâmes encore des gens qui n’avaient rien à manger. Les enfans criaient la faim : nous leur donnâmes un peu de farine, qu’ils avalèrent froide et crue. Enfin le soir nous arrivâmes chez nous. »

Ces deux ministres furent bientôt suivis de