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ou cinq à la fois, un dans la gueule, deux sous les nageoires, et un sous sa queue. Mais l’homme attaque à son tour, prend et mange ce poisson dévorant.

La mission n’offre rien de curieux cette année, si ce n’est quelques mots singuliers des Groënlandais, soit convertis, soit inconvertis. Un de ceux-ci disait au sujet du christianisme : « J’ai deux volontés : l’une qui cède, et l’autre qui résiste. Elles sont souvent aux prises ; mais la dernière l’emporte toujours. » « C’était celle de la chair, dit Crantz ; dans tous les temps elle a été l’ennemie de l’Évangile. » Cependant il admire la vivacité de la foi chez les Groënlandais. « Cette foi n’est plus, dit-il, en Israël, c’est-à-dire, en Europe. Il semble qu’elle se réfugie dans le Nord, chez les peuples barbares et sauvages. » Le caractère simple de ces peuples y est sans doute plus propre. On sait que, née en Asie et dans l’Égypte, quand elle vint dans l’empire romain, elle jeta ses premières racines dans l’esprit des nations barbares qui conquirent l’Europe. Après la décadence de Rome, les beaux génies de l’Orient et de l’Afrique, éteignant par leur savoir ou par leur doctrine les restes du goût de la littérature grecque et latine, s’emparèrent de la religion comme de leur domaine, et la firent germer et fleurir par leurs écrits au milieu de l’ignorance que l’invasion des Goths, des Francs et des Germains avait répandue avec les flots de sang, la ruine des villes et l’esclavage