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par de furieuses tempêtes qui rendirent la mer impraticable, et soulevèrent les vagues au point d’arracher du rivage les bateaux ancrés ou attachés. Au mois d’avril survint une fonte de neiges, accompagnée d’une pluie si abondante, que la nouvelle église de la colonie faillit à en être emportée. Les torrens s’y précipitèrent avec une impétuosité dont rien ne se sauva que les murailles de l’édifice. Heureusement les églises ne sont pas riches au Groënland ; aussi la piété n’y est que plus pure, et la Divinité n’en est que mieux adorée. Des âmes innocentes en font tout l’ornement : les ministres y pratiquent les devoirs qu’ils prêchent. Un clergé d’ailleurs peu nombreux n’y professe point un célibat qu’il ne peut garder. Cette même année il arriva de la Moravie un herrnhuter, qui venait d’y prendre en même temps une femme et le diaconat. Les sacremens de l’ordre et du mariage ne sont pas incompatibles chez les luthériens. Les pasteurs et les brebis en vivent plus tranquilles. Chez les herrnhuters, la femme d’un prêtre, devenue sœur de l’unité, participe en quelque sorte aux fonctions du sacerdoce. Elle peut veiller à l’éducation des filles, ou du moins à leur instruction. Il y a de l’analogie dans les devoirs et les occupations des deux époux. L’esprit intérieur de leur vie monastique et l’esprit public de leurs emplois ne sont pas opposés ni séparés. C’est peut-être un grand bien politique ; et quand la religion le permet, c’est une sage économie dans la dis-