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qu’ils en avaient brûlé tous les matériaux et les effets. Après avoir tout entrepris pour la religion, avec quelle douleur la vit-il ainsi perdue, en naissant, dans un pays où la pauvreté des habitans semblait annoncer les mœurs des premiers siècles du christianisme ! Mais il est peut-être plus difficile de faire adopter un culte à ceux qui n’en ont point que d’en voir changer ceux qui sont une fois imbus de quelques dogmes religieux. Aussi Égède, dégoûté des obstacles insurmontables dont le concours s’opposait à la conversion des Groënlandais, discontinua de baptiser leurs enfans, dans la crainte de laisser périr au fond de leurs âmes le germe de la grâce. D’ailleurs il s’aperçut bientôt du discrédit où le départ des Danois avait fait tomber sa mission dans l’esprit des habitans. Ceux-ci ne comprenaient pas comment un monarque aussi riche qu’on leur avait représenté le roi de Danemarck avait pu laisser manquer ses sujets de subsistance dans un pays éloigné. Ainsi, malgré tout ce qu’on pouvait répondre à leurs objections, ils n’avaient plus de foi au missionnaire ; et quand il venait chez eux, ils cachaient leurs enfans pour les dérober à ses instructions, dont ils ne faisaient aucun cas. Égède, excédé par le travail, le chagrin et les amertumes qu’il avait essuyés, en contracta un mal de poitrine qui l’empêchait de voyager. Il fut donc obligé de laisser à son fils le soin de la mission ou de l’instruction.

Quoiqu’on n’eût promis aucune assistance à