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ne pouvaient que troubler toute espèce de société, sauvage ou policée. Mais ce ne fut pas moins une grande faute du gouvernement d’avoir si mal pris ses mesures, et sacrifié tant de victimes à la funeste ambition d’avoir des colonies ; espèce de manie politique, dont il ne paraît pas que l’Europe soit guérie par la dépopulation que le changement de climat ne manque jamais d’occasioner, sans parler de l’altération sensible que produit dans l’espèce humaine le mélange des races que la nature semblait avoir voulu séparer par des barrières insurmontables.

Cette mortalité des Danois au Groënland dura jusqu’au printemps de 1729, où le reste des malades alla vivre avec les habitans du pays, qui en sauvèrent quelques-uns par l’usage du cochléaria qui commençait à reverdir à travers la neige. Cependant ce peuple ne voyait pas avec plaisir aborder tant d’étrangers sur ses côtes, et surtout ces gens armés lui faisaient ombrage. Quoiqu’on attribuât la contagion qui les avait dévorés à la colère des esprits aériens du climat, quand on vit survivre encore de ces hôtes dangereux, entre autres le missionnaire, qu’on regardait comme le maître de l’angekok des Européens, les Groënlandais s’éloignèrent insensiblement vers le nord jusqu’à la baie de Disko. Ce fut là le premier fruit des forteresses et de l’envoi des troupes, qui ne hâtèrent pas le succès des missions ni du commerce.