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la plus grande économie ; car il n’avait pour nourrir vingt-une personnes durant un an, que trois barils de pois, autant de gruau d’avoine, onze sacs de drèche, et dix-sept cents biscuits de bord, y compris ce qu’il avait acheté des Allemands. On ne pouvait chasser faute de poudre et de plomb, et la pêche ne réussissait point. On tenta d’avoir du phoque des Groënlandais, pour le manger avec du spermaceti, au défaut de beurre ; mais plus on était dans le besoin, et plus ils se montraient difficiles à vendre de leurs provisions. On fut donc réduit à partager la ration d’un homme entre huit personnes. La détresse redoubla au récit que les Groënlandais vinrent faire d’un naufrage où ils disaient avoir vu périr un vaisseau sous les glaces, ajoutant que les gens de l’équipage, dans l’eau jusqu’aux genoux, après avoir répété à grands cris le nom du missionnaire, comme pour lui demander d’envoyer des canots à leur secours, avaient été emportés par les flots. Cette nouvelle inquiétait d’autant plus, que le vaisseau allemand ne revenait point des côtes de l’Amérique au temps où l’on devait l’attendre. Pour surcroît d’alarme, on vit le facteur et ses gens qui s’y étaient embarqués arriver seuls dans un canot. Mais quelle consolation ne fut-ce pas d’apprendre d’eux-mêmes qu’ils avaient rencontré sur leur route l’approvisionnateur de Norwége, et qu’ayant passé sur ce navire, ils l’avaient laissé à vingt lieues de la colonie, arrêté par les glaces ! Heureusement