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Il avait envoyé deux enfans sauvages à Copenhague, afin qu’à leur retour ils pussent donner à leurs compatriotes une haute opinion du Danemarck, et par-là sans doute prévenir les esprits en faveur de la religion qu’on y professait. En 1725, un de ces enfans, nommé Poëh, revint seul au Groënland, l’autre étant mort à Bergen. Il montra les présens qu’il avait reçus, et qu’on lui avait donnés, vraisemblablement pour inspirer à plusieurs de ses compatriotes l’envie de faire le voyage du Danemarck. Il leur parla de la splendeur de ce royaume, de la magnificence de la cour où il avait été présenté, des beaux édifices de la capitale, et surtout des églises. Ce peuple ne se lassait point de lui faire des questions, et d’admirer ce qu’il disait au sujet de la puissance militaire du roi, qu’ils croyaient n’être qu’un seigneur un peu plus riche que les autres hommes, parce qu’il prenait plus de phoques. Égède saisit cette occasion pour dire que Dieu était le roi de ces rois, puisqu’ils lui obéissaient, et que, pour savoir et faire sa volonté, ils écoutaient la voix des pasteurs qui n’étaient pourtant que leurs sujets. Alors les sauvages conçurent une idée de Dieu très-grande, mais effrayante par l’appareil des armes qu’ils joignaient sans cesse à la représentation de la majesté royale, qu’on leur peignait comme une faible image de la toute-puissance divine.

Cependant malgré cet éclat, et les caresses et les présens de la cour, Poëh n’était pas si