Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rir ceux qui l’invoquent dans leurs peines et leurs besoins. » Ils semblent plutôt disposés à lui attribuer la cause de leurs disgrâces ; car s’ils avaient du mauvais temps à la pêche et qu’elle ne fût point heureuse, ils s’en prenaient aux prières et aux sermons du missionnaire, disant que l’air était irrité de la folle confiance qu’ils avaient en cet étranger au préjudice de celle qu’ils devaient à leurs angekoks ; que, s’il voulait remporter sur ces devins dans l’esprit des Groënlandais, il n’avait qu’à leur procurer plus de poissons, d’oiseaux et de beaux jours. Quand Égède leur disait de prier, leur réponse était : « Nous prions, mais cela n’aboutit à rien. » S’il ajoutait qu’ils ne devaient demander à Dieu que les biens spirituels et le bonheur d’une vie à venir, ils répliquaient : « Nous ne la comprenons ni ne la désirons ; nous n’avons besoin que de la santé du corps et de phoques pour manger. »

Ces détails prouvent combien les peuples sauvages sont difficiles à convertir : Égède s’en plaint très-fréquemment dans sa relation. Il dit bien que, s’il avait voulu loger et nourrir gratuitement des familles de Groënlandais, marier et doter des filles, ou faire des présens de noces ; il n’aurait pas manqué de gens à baptiser ; mais qu’il en avait été dissuadé par l’expérience qu’il avait faite que le cœur de ces nouveaux convertis n’était point changé par le baptême, et qu’ils restaient dans l’endurcissement et l’insensibilité qui leur sont naturels.