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que les adultes devaient se faire instruire de la religion avant d’y être initiés.

Parmi les dogmes dont Égède cherchait à prévenir les esprits en faveur du christianisme, celui de la résurrection des morts faisait le plus d’impression sur les Groënlandais. Ils semblaient courir au-devant de la persuasion qu’il pouvait y avoir un état où le corps ne serait plus sujet à la peine ni aux maladies, et où les amis et les parens se retrouveraient pour ne plus se quitter. Mais malgré la pente naturelle de l’esprit humain, qui se livre plus à la crainte qu’à l’espérance, ils ne voulaient point entendre parler de peines éternelles. « S’il y avait tant de feu dans l’enfer, disait, un Groënlandais, n’y a-t-il pas assez d’eau dans la mer pour l’éteindre ? Ou bien si c’est un lieu si chaud, nous y serons dédommagés du froid que nous éprouvons sur la terre. D’ailleurs les angekoks, qui vont partout, auraient bien vu cet enfer. » Quand Égède leur répondait que leurs angekoks étaient des imposteurs, qui n’avaient rien vu de ce qu’ils leur débitaient ; « Et vous, lui répliquaient ils, avez-vous vu le Dieu dont vous nous parlez tant ? » Il est extrêmement difficile (dit Crantz, après Égède lui-même) de détromper ce peuple de ses préjugés, et d’empêcher qu’il ne fasse un mauvais usage de chaque vérité qu’il entend : il ne veut pas croire, par exemple, que Dieu soit présent partout, ni tout-puissant, ni bon et bienfaisant, jusqu’à prendre plaisir à secou-