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cieux, n’y avaient point vu ce fils de Dieu dont il parlait, et dont le firmament était assez fragile pour devoir écrouler et tomber en poudre à cette fin du monde dont il les menaçait. Enfin les Groënlandais poussaient la raillerie et l’insolence à tel point, que les Danois furent obligés de leur faire entendre qu’ils viendraient avec des fusils tuer leurs angekoks pour leur imposer silence.

Cependant, moitié par caresses et moitié par menaces, on vint à bout d’engager les sauvages d’abord à laisser parler le missionnaire sans se moquer de lui ni l’interrompre avec le bruit du tambour, ensuite à l’écouter quelquefois patiemment, puis ne pas s’enfuir quand il allait dans les assemblées, pourvu qu’il n’y troublât pas les divertissemens ; enfin à l’entendre avec une sorte de curiosité et de satisfaction. Insensiblement il prit de l’ascendant et de l’empire sur les esprits. Un angekok vint lui dire un jour de prier Dieu pour son fils malade. Le missionnaire, après lui avoir reproché son métier d’imposteur, lui dit que son enfant mourrait, car il était à l’agonie ; mais que, si l’on voulait le laisser baptiser, il irait au ciel. Le père y consentit, l’enfant reçut le baptême et mourut. La famille du mort, après les gémissemens ordinaires, vint dire au pasteur que c’était à lui d’ensevelir le corps ; et, persuadée que l’âme était heureuse, elle demanda avec instance d’être baptisée. Mais le missionnaire irrita ces pieux désirs par un sage refus, disant