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emportement de colère, en étant venu aux mains, il fut battu jusqu’au sang : cependant, après lui avoir pris son fusil, de peur qu’il ne se vengeât, les sauvages tâchèrent de l’apaiser par de bons traitemens, en le priant de ne pas se plaindre au ministre, qui pourrait les punir. Égède fit semblant d’ignorer leur conduite à l’égard d’Aaron, et lorsqu’il alla les voir, il leur laissa encore un autre de ses gens.

Cependant les Groënlandais redoutaient si fort ce pasteur, qu’ils chargèrent leurs angekoks de le conjurer lui et son peuple, comme un fléau dont la nation ne pouvait trop tôt être délivrée. Ces devins, voyant aisément qu’ils n’y réussiraient pas, persuadèrent aux sauvages qu’il était lui-même un puissant angekok, mais de la bonne espèce, ou de ceux qui ne faisaient point de mal. La crainte se changea donc en vénération pour un personnage qu’on voyait si respecté de sa nation. Égède, qui brûlait du désir de faire connaître aux Groënlandais les mystères qu’il prêchait aux Danois, mit sous les yeux des sauvages quelques tableaux des principaux événemens de la Bible dessinés ou peints par son fils aîné. Ces tableaux leur donnant occasion de lui faire des questions, il apprenait insensiblement leur langage, et les préparait en même temps aux dogmes dont il voulait les instruire. À propos de la résurrection d’un mort qu’on leur présenta parmi les images ou les tableaux des miracles du Christ, les Groënlandais prièrent Égède, en qualité