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sauvages moins inaccessibles ; et ils se laissèrent voir, non pas d’abord chez eux, mais dans une maison isolée qu’ils vidèrent exprès, et où ils mirent un espion pour veiller toute la nuit. À la fin, ils se familiarisèrent jusqu’à recevoir les visites des Européens, et à les leur rendre dans toutes les maisons.

Égède ne perdit pas une occasion d’apprendre leur langue ; et dès qu’il sut que leur mot kina signifiait qu’est-ce, il s’en servit pour leur demander le nom de tout ce qui frappait ses sens, et il écrivit tous ces mots à mesure qu’on les lui prononçait. S’étant aperçu qu’un Groënlandais, qui s’appelait Arok, avait pris pour un Européen nommé Aaron cette affection que la seule ressemblance des noms peut inspirer à des gens qui n’ont que ce rapport entre eux, il engagea celui-ci à s’insinuer chez ce peuple, pour tâcher de savoir la langue et les particularités du pays. Quelque temps après il affecta de le laisser parmi eux ; et comme ils vinrent aussitôt lui faire entendre qu’il avait oublié un des siens, il feignit de ne pas les comprendre ; mais ils ne tardèrent pas à revenir dire qu’Aaron était chez eux, et qu’il fallait le rappeler, parce que les Groënlandais n’aiment pas à demeurer avec un étranger.

On dissipa leur méfiance par de nouveaux présens, et ils consentirent à garder Aaron tout l’hiver. Il n’y trouvait pas grand avantage ; on le tourmentait, on lui volait tantôt une chose et tantôt l’autre ; de sorte qu’un jour, dans un