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zèle. » Égède rapporte les objections, et non pas les réponses, qui sont, dit-il, trop étendues, mais sa bonne foi et ses succès le dispensent de toute autre justification.

» Pendant que je travaillais, poursuit-il, à surmonter tous ces obstacles, un bruit se répandit qu’un navire marchand de Bergen ayant péri dans les glaces voisines du Groënland, les gens de l’équipage qui s’étaient sauvés sur la côte avaient été tués et mangés par les habitans. Mais la fausseté de cette nouvelle se découvrit bientôt, et dissipa la terreur passagère qui s’était emparée de ma famille. Cependant le temps s’écoulait, et la guerre durait en Danemarck. Personne ne pensait plus au Groënland ; j’étais le seul qui ne pouvais l’oublier. J’écrivis donc, en 1717, à l’évêque de Drontheim, et lui remis ma cure, dans laquelle il ne tarda pas à me nommer un successeur. Ce fut alors que je sentis la plus forte douleur de quitter mes paroissiens et mes amis ; la raison, la chair et le sang, tout semblait m’attacher plus que jamais au séjour de mes pères, et redoubler à mes yeux les horreurs du pays auquel je sacrifiais l’amour de la patrie. Mais, dans cet état critique, mon épouse, me rendant mes forces, me représenta qu’il était trop tard pour me repentir. « Vous avez formé, vous avez poursuivi votre entreprise au nom de Dieu, me dit-elle ; pourquoi perdez-vous courage au moment de l’exécuter ? » J’accomplis donc ce que j’avais commencé. Après des adieux tendres et