Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 20.djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui je ne pouvais cacher mon inquiétude, après avoir tout fait pour me tranquilliser, me dit un jour : « Je suis bien malheureuse d’avoir donné mon cœur et ma personne à un homme qui veut nous jeter, lui et moi, dans les plus grands malheurs. »

» Ces discours me désespéraient, et si cet état avait duré, je crois que j’en serais mort. Enfin le temps, et quelques chagrins qui me furent suscités par la haine et la calomnie, déterminèrent ma femme à quitter avec moi un séjour qui nous était désagréable pour aller dans le Groënland. Dès que je fus assuré de sa résignation, je redoublai mes efforts et mes instances auprès de ceux qui pouvaient appuyer ou seconder mon projet. Mais à l’opposition de mes amis, qui continuaient à m’en détourner, se joignit celle de mes ennemis, qui me prêtaient des vues trop inhumaines pour ne pas m’arrêter dans mes poursuites. Je publiai donc une apologie en 1715, où je répondis à toutes les objections qu’on me faisait. Elles consistaient dans la rigueur du climat, dans les difficultés et les périls de la navigation, dans le danger évident auquel j’exposais une femme et des enfans dont je devais répondre devant Dieu, dans l’espèce de folie qu’il y avait à quitter une cure pour une chose aussi incertaine que l’était le fruit d’une mission au Groënland ; on y ajoutait enfin quelques raisons de mécontentement et l’ambition de me faire un nom, comme autant de motifs secrets qui se mêlaient à mon