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qui m’appelait au loin, et les cris de la nature qui me retenaient au sein de ma famille. Je restai dans cette perplexité jusqu’en 1710, où je me déterminai à dresser un plan pour la conversion et l’instruction des Groënlandais. Je l’envoyai dans un mémoire à l’évêque de Bergen, parce que c’était le port de Norwége d’où partaient les navires destinés pour le commerce du Groënland.

» Ce prélat octogénaire me répondit qu’il avait envoyé mon mémoire à la cour. Du reste, en louant mon projet, il me disait : Comme vous voulez quitter votre cure pour aller vous-même instruire dans la religion chrétienne les peuples du Groënland, je ne vois pas comment la chose pourrait réussir, puisque ces barbares ont une langue particulière que nous n’entendons point, et qu’ils n’entendent point la nôtre. Jésus-Christ n’envoya ses apôtres dans tout le monde pour instruire les peuples qu’après leur avoir communiqué le don des langues.

» L’évêque de Drontheim, à qui j’avais aussi communiqué mon plan, parce que j’étais son diocésain, me répondit en 1711 : « Il y a eu autrefois des évêques dans le Groënland qui ont été sacrés à Drontheim, dont ils étaient suffragans. Si quelque homme de Dieu voulait aller examiner la qualité du pays et le naturel des habitans, il n’y a pas de doute que le roi, qui depuis quelques mois a destiné les revenus des postes à des œuvres pies (ad pias causas), ne favorisât un projet aussi