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de trois ans sur cette côte orientale. Ils s’étaient avancés jusqu’à un horizon que le soleil ne quittait point aux grands jours de l’été, éclairant même à minuit le sommet des montagnes ; ce, qui désigne les 66°. de latitude. En route, ils avaient été souvent obligés de mettre leur tente et leur canot sur un traîneau qu’ils faisaient tirer par des chiens ; ils côtoyaient toujours la terre, où la glace, moins forte que sur mer, fondait plus vite au soleil, et allait former sur les eaux une barrière impénétrable. Les habitans de ces bords sont plus gros que ceux de l’ouest : du reste, ils ont les cheveux noirs, la barbe longue, et le teint à peu près comme les Groënlandais, dont ils parlent la langue, en l’articulant d’un ton voisin du chant. Ce peuple est nombreux, et paraît doux. Mais les voyageurs dont on rapporte le récit n’osèrent pas entrer dans une baie assez belle, par la crainte des anthropophages qui l’habitaient. De tout temps les Groënlandais ont imaginé qu’il y avait de ces sortes d’hommes sur la côte inconnue de leur pays. « Au commencement, dit Koiake, ils mangèrent de la chair humaine dans une famine extraordinaire occasionée par un hiver excessivement rigoureux. Quand ils en eurent goûté, bientôt ils s’en firent une habitude ; en sorte qu’ils gardent de cette chair coupée en morceaux dans leurs provisions, et qu’ils la mangent comme la chair de phoque, c’est-à-dire, crue, et souvent corrompue par la gelée. Mais ils ont l’attention de ne tuer pour