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avec Drachart, l’un de ses confrères, qui possédait encore mieux que lui la langue du Groënland. Ces deux Européens vérifièrent que ce langage ne différait pas plus de celui des Américains que les dialectes groënlandais du sud et du nord ne diffèrent l’un de l’autre ; or, ce n’est pas une différence aussi grande qu’entre le haut et le bas allemand.

Crantz ne dissimule pas qu’il y a de fortes objections à faire contre l’hypothèse qui suppose que les Norwégiens auront été chassés du Groënland par les sauvages Skrœlings, comme si cette petite nation faible et timide, après avoir fui de l’Amérique devant tous ses ennemis, avait pu vaincre les Norwégiens, ces braves enfans des conquérans de l’Europe entière. Mais il répond que les colonies de la Norwége, établies au Groënland, auront moins été dépeuplées par l’incursion des sauvages du nord que par cette terrible peste noire qui ravagea toute l’Europe en 1350, et que les Norwégiens eux-mêmes portèrent à leur colonie du Groënland. Cette épidémie attaqua dit-on non-seulement les hommes et les animaux, mais jusqu’à la racine des plantes. Cependant prenons garde qu’on ne confonde ici le ravage de cette peste avec le rude hiver de 1309, dont nous avons parlé plus haut, d’après la relation de La Peyrère, et qui dut faire périr tous les arbres. Quoi qu’il en soit des suites de ces deux fléaux séparés ou confondus, la mortalité diminua considérablement la population des colonies