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même un peuple aussi sauvage que le sont les Groënlandais aurait conservé quelque mémoire des temps reculés, devrait-on s’y fier après les fables et les erreurs grossières qui cachent l’origine et décèlent l’enfance des nations les plus policées ? Mais si les habitans d’un pays ignorent eux-mêmes leur propre histoire, peut-on écouter ce qu’en débitent des étrangers qui s’y sont établis par la conquête, et qui certainement, dans des siècles de ténèbres et de guerre, n’ont eu ni le loisir ni la pensée de recueillir des faits pour la postérité ? Lorsque l’Europe, mais surtout la Norwége, n’a que du faux merveilleux à nous offrir sur ses commencemens, en sera-t-elle plus croyable quand elle parlera d’un temps et d’un pays encore plus fait pour l’oubli ? Cependant, comme il est certain qu’on trouve au Groënland des ruines et des vestiges d’anciennes habitations, dont l’établissement et la chute n’ont point d’époques fixes dans l’histoire, et qu’il est nécessaire de donner à ces monumens quelque origine, il faut toujours en admettre une additionnelle avant de découvrir la véritable. Ainsi l’on peut suivre pour l’histoire du Groënland ce qu’en rapporte Mallet dans son Introduction à l’histoire du Danemarck. C’est un écrivain judicieux après lequel on ne doit pas rougir de marcher dans l’incertitude, jusqu’à ce que le temps ait fourni des moyens d’éclaircir ce qu’il nous a transmis sur la foi des meilleurs guides dans les antiquités du Nord.