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tendresse même. Mais, dit Crantz, c’est plutôt avarice, insensibilité ; car on n’enterre pas de même un vieillard inutile, à moins qu’il n’ait point de parens ; encore aime-t-on mieux le conduire dans quelque île déserte, où on l’abandonne à sa cruelle destinée. Triste et malheureuse condition de la vie sauvage, où la nature force la pitié même à devenir féroce !

Après l’enterrement, ceux qui ont accompagné le convoi retournent à la maison du deuil. Les hommes y sont assis dans un morne silence, les coudes appuyés sur leurs genoux, et la tête sur leurs mains : les femmes, prosternées la face contre terre, pleurent et sanglotent à petit bruit. Le plus proche parent du mort prononce son éloge funèbre, ou une élégie qui contient les bonnes qualités de celui qu’on regrette. À chaque période ou strophe de sa chanson, l’assemblée l’interrompt par des pleurs et des lamentations éclatantes qui redoublent à la fin de l’éloge. Le gémissement des femmes surtout est d’un ton vraiment lugubre et touchant. Une pleureuse mène ce concert funèbre, qu’elle entrecoupe de temps en temps par quelques mots échappés à la douleur ; mais les hommes ne se font entendre que par des sanglots. Enfin le reste des provisions comestibles que le défunt a laissées est étalé sur le plancher, et les gens du deuil s’en régalent. Ils répètent leurs visites de condoléance durant une semaine ou quinze jours, tant qu’il y a des vivres chez le mort. Sa veuve doit toujours porter ses habits