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quelques jours à se refaire et à s’engraisser, ce qui produit la pleine lune. Cet astre se réjouit de la mort des femmes, et le soleil de celle des hommes : ainsi les uns ferment leurs portes aux éclipses de soleil, et les autres aux éclipses de lune ; car Anninga rôde alors autour des maisons pour piller les viandes et les peaux, et pour tuer ceux qui n’ont pas observé fidèlement l’abstinence, ou la diète religieuse que les devins ont prescrite sans doute. Aussi cache-t-on alors ces provisions, et les hommes, portant leurs effets et leurs chaudières sur le toit de la maison, parlent tous ensemble en frappant sur ces meubles pour effrayer la lune et l’obliger de retourner à sa place. Aux éclipses de soleil, les femmes prennent les chiens par les oreilles ; s’ils crient, c’est un signe certain que la fin du monde n’est pas encore prochaine ; car les chiens, qui existaient avant les hommes, doivent avoir un plus sûr pressentiment de l’avenir ; mais s’ils ne crient pas, malheur qu’on a soin de prévenir par le mal qu’on leur fait, tout serait perdu, l’univers croulerait, il n’y aurait plus de Groënlandais.

Lorsqu’il tonne par hasard, ce sont deux vieilles femmes qui habitent une petite maison dans l’air et s’y battent pour une peau de phoque bien tendue. Dans la dispute, la maison s’écroule, les lampes sont brisées, et le feu se disperse dans les airs. Voilà la cause du tonnerre et des éclairs. C’est avec de pareilles fables que les habitans du Groënland amusent