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sont fait des époques, comme l’établissement d’une colonie, ou l’arrivée d’un missionnaire. C’est de ces grands événemens que chacun date l’histoire de sa vie. Ils ont leur manière de diviser l’année en saisons : ce n’est point par les équinoxes, qu’ils n’ont pas encore appris à fixer ; mais ils devinent le solstice d’hiver quelques jours d’avance, du moins vers le midi du Groënland, par un reste des rayons du soleil qu’ils voient briller un moment sur la cime des rochers, et c’est alors qu’ils célèbrent le renouvellement de l’année. De cette époque, ils comptent trois mois jusqu’au printemps, où ils s’apprêtent à changer leurs cabanes en tentes. Le quatrième mois, c’est-à-dire, celui d’avril, leur est annoncé par l’apparition de petits oiseaux, et par la ponte des corbeaux. Au cinquième, ils reçoivent la première visite des phoques, qui viennent avec toute la jeunesse d’une nouvelle race enrichir et réjouir leurs côtes. Le mois de juin est marqué par la naissance des eiders ; mais alors ils perdent de vue la lune, dont le soleil absorbe la lumière dans l’éclat permanent de quelques jours sans nuit. Au défaut de lunaisons, les Groënlandais se guident en été par la marche des ombres des rochers, dont le sommet leur sert de cadran ou de style, non pour marquer les heures, mais les jours. Sans doute que dans le temps où le soleil ne quitte pas leur horizon, ils comptent chaque jour renaissant au point de la plus grande projection des ombres