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une singularité bizarre, mais très-ordinaire, ces peuples du Nord, ainsi que ceux de l’Asie, n’ont pas la lettre la plus rude qui semble caractériser les langues douces et polies, c’est-à-dire, l’R, cette lettre qu’on appelle canine, sans doute parce qu’elle rend à l’oreille le bruit d’un chien qui gronde et montre les dents pour mordre. Cet élément, ou ce son qui paraît nécessaire pour exprimer toutes les idées de froissement, de déchirement et de destruction accompagnés d’un bruit qui racle ou écorche les organes ; ce son qui distingue et prononce fortement les syllabes qu’il sépare ; ce son qui, chez nous, marque d’une manière frappante le rebroussement de l’air refoulé par les dents, chez les Groënlandais, non-seulement part du gosier, mais s’arrête et se perd dans la gorge. Leur langage est presque tout guttural ; aussi n’y trouve-t-on guère les consonnes labiales et dentales, ou du moins jamais ils ne commencent un mot par les lettres B, D, F, G, L, R, Z. Ils n’ont que peu de diphthongues et de consonnes composées, au moins au commencement des syllabes ; c’est pourquoi ils suppriment les diphthongues, et divisent les consonnes composées en prononçant les mots étrangers ; ainsi ils disent Eppetah, au lieu de Iephtha ; et de même ils appuient, à la façon des enfans, chaque consonne sur une voyelle, et prononcent Peterusse pour Petrus, ne pouvant s’accoutumer à joindre plusieurs consonnes de suite. Ils altèrent souvent les sons pour