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eux-mêmes, comment oserait-on parler des sciences d’un peuple qui n’a seulement pas l’usage ni l’idée de l’écriture ? Toute sa science est une langue qu’il parle sans étude et sans réflexion, comme elle a été faite, et comme l’ont été toutes les langues avant d’avoir des écrivains, des poëtes et des orateurs qui les polissent en les maniant. Mais cette langue, tout imparfaite et sauvage qu’elle est, mérite l’attention de la plus habile classe des lecteurs : ils y trouveront peut-être quelques idées propres à confirmer ou à développer les principes généraux de la grammaire. Cette matière est si bien discutée aujourd’hui, que tout ce qui s’y rapporte reçoit et réfléchit une nouvelle clarté dans le cercle des connaissances humaines.

La langue groënlandaise n’a, dit-on, aucune affinité avec les autres langues du nord, soit de l’Asie centrale, ou de l’Amérique ; si vous en exceptez celle des Esquimaux, qui semblent être de la même race que les Groënlandais. Cette langue est presque toute composée de polysyllabes ; ce qui la rend embarrassante à prononcer ; de sorte que celui qui saurait la lire n’en aurait l’usage qu’à moitié : comme elle est encore moins écrite que parlée, c’est n’en rien savoir que de se borner à l’entendre dans les livres, telle que des Européens peuvent l’écrire avec des caractères qui lui sont étrangers ; car on imagine bien qu’un peuple qui n’a jamais lu ne fait pas des livres. Les