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faisans appartiennent de préférence aux vieilles femmes, qui n’ont pas d’autre moyen de vivre. Une branche de leur art mensonger est de prétendre désenfler et guérir ceux qu’elles ont ensorcelés, en tirant de leurs jambes enflées des morceaux de chair ou de cuir qu’elles ont soin de cacher dans leur bouche avant de sucer la plaie ou l’enflure.

Ces mauvais jongleurs ont enfin décrédité leur profession, surtout depuis que les missionnaires en ont dévoilé le grossier artifice ; et quelques Groënlandais eux-mêmes en sont désabusés au point qu’un d’entre eux prit une fois un angekok durant son prétendu voyage aux enfers, et l’emporta dans sa maison comme un chat dérobé. Malgré cela le peuple, qui croit avoir observé l’accomplissement de plusieurs prophéties et la guérison de beaucoup de malades par l’entremise des angekoks, s’obstine toujours à croire leur art divin et surnaturel. Mais ce qui l’endurcit le plus dans ce fol entêtement, c’est le courage de ces devins, qui, plutôt que de s’avouer dupes ou trompeurs, ont mieux aimé mourir martyrs, disaient-ils, de l’inspiration et des vérités célestes. D’ailleurs ceux des Groënlandais qui rient de la confiance du peuple en ces illusions ne laissent pas de suivre les ordonnances ridicules de ces sorciers médecins, sous prétexte que, si elles ne font aucun bien, elles ne peuvent faire du mal ; raison de crédulité qui de tout temps donna du crédit aux plus folles erreurs.