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assez incompatibles en bien d’autres pays.

Quand un Européen entre sérieusement en conférence avec ces sortes de devins, ils avouent qu’ils n’ont point eu d’apparitions ni de conversation avec les esprits, et ne se vantent point de faire des miracles ; mais, ils allèguent en faveur de leur profession la tradition de leurs pères, qui certainement, disent-ils, ont eu des révélations, ont opéré des guérisons extraordinaires, et fait des choses prodigieuses. Pour nous, ajoutent-ils, nous devons recourir aux visions et aux convulsions pour donner du poids à nos discours, et de la vogue à nos opérations parmi le peuple simple et grossier.

Il y a cependant de ces devins qui, même après avoir embrassé le christianisme, ont assuré qu’ils étaient tombés de bonne foi dans cette profession d’imposture, séduits par de fausses visions que la chaleur du sang et du cerveau leur présentait pour des révélations, et dont ils sortaient avec l’esprit frappé comme d’un songe violent. On sait que la force de l’imagination peut produire de semblables prestiges, et que les peuples ignorans s’affectent vivement des songes auxquels ils sont d’ailleurs très-sujets : car la superstition enfante les songes, qui nourrissent leur mère. Les Groënlandais nouvellement baptisés, à qui l’on enseigne que le diable étend et exerce sa puissance jusque sur la terre, disent à la vérité qu’il peut se mêler des opérations de leurs devins ; mais