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destinée du malade qui l’envoie chercher une nouvelle âme ou la santé. Quelquefois l’inspiré descend vers la divinité des enfers, où il met en liberté les animaux enchantés par la magie de cette Circé. Mais bientôt il remonte avec des cris terribles, et battant du tambour ; car il a trouvé le moyen de se dégager de ses liens : c’est alors que, prenant l’air d’un homme fatigué de son voyage, il débite une longue histoire de tout ce qu’il y a vu et entendu ; puis finissant par une chanson, il fait le tour de l’assemblée, et donne sa bénédiction avec un aspersoir. C’est la fin du mystère ; on allume les lampes, et l’on voit l’angekok couché par terre, et si harassé, qu’il ne peut plus parler.

Au reste, tous les Groënlandais ne réussissent pas à cet art divin des inspirations : quand un homme a appelé dix fois son esprit, au son du tambour, sans aucun succès, il doit renoncer au métier de prophète. S’il réussit un certain temps de suite, il peut aspirer au premier rang de cette espèce de sacerdoce : alors il lui suffit de prophétiser dans une chambre noire, sans se faire lier le cou ni les pieds. Il adresse ses vœux à l’esprit par des chants et des coups de tambour : si l’esprit le juge digne d’être exaucé, ce qui n’arrive pas toujours, un ours blanc vient traîner l’inspiré par les pieds dans la mer, où ce bienheureux est dévoré par un autre ours et un phoque. Mais, peu de temps après, ces monstres le vomissent dans sa chambre obscure, et l’esprit